Mot d’installation du père Yannick Ferraro

27 septembre 2019

Chers paroissiens,

Lorsqu’au mois de mai il fut connu que je deviendrai curé, on m’a beaucoup félicité. Les gens étaient contents. Moi, j’étais un peu désolé, doublement désolé même... Et puis, en réfléchissant et priant un peu, j’ai été rassuré et même doublement rassuré...

La première chose qui m’a désolé, c’est de ne pas récupérer mon cher curé. Avec Charles-Bernard, nous étions faits pour nous entendre, nous avions une vision commune, une amitié commune... Nous avions des plans... Pour le service de la mission, il a fallu en accepter d’autres, c’est ainsi. Je veux simplement aujourd’hui exprimer ma gratitude pour tout le bien reçu de lui.

Une seconde chose m’a désolé, et elle m’a désolé pour vous : ce fut de considérer quel genre de curé vous alliez hériter... Un type qui - bien qu’encore très jeune - porte déjà quelques mauvais plis et fâcheux défauts... A priori, ça devrait peu changer. Même si je vous promets de faire attention. Vous héritez d’un fiéffé perfectionniste, d’un incorrigible procédurier et d’un insupportable insatisfait permanent. vous héritez aussi d’un coeur hypersensible qui compte déjà quelques balafres. Je devrai composer avec. Vous aussi.

Et puis, en réfléchissant et priant, j’ai tout de même trouvé une première raison d’être rassuré. En dépit de ce que je viens de dire, et sans fausse modestie de ma part, je pense que vous héritez d’un type plutôt sympa, qui n’aime pas se prendre au sérieux, volontaire à la tâche et consciencieux, plutôt trop que pas assez...

La seconde chose qui m’a rassuré - et même stimulé - c’est la pensée de pouvoir déployer parmi vous les quelques trésors que je porte en moi depuis mon appel au saceroce, comme des piliers qui font le prêtre que je suis aujourd’hui. Et sur lesquels je voudrais, si vous le voulez bien, que vous reposiez avec moi. Je n’en donnerai que trois.

1 - Tout d’abord, mon amour de Jésus-Christ. Depuis la grâce reçue dans mon enfance et mon adolescece au service de l’autel comme enfant de choeur, depuis mes premières heures à genoux devant le Saint-Sacrement. Jésus a indissolublement lié ma vie à la sienne dans l’Eucharistie. Et quelle joie de savoir le Saint-Secrement exposé pendant 44 heures chaque semaine dans notre secteur ! Sans compter les heures matinales que nous vivons entre prêtres à la cure de Mazan. Jésus-Christ est honoré et professé dans l’Eucharistie adorée. Je souhaite qu’il le soit aussi dans l’Eucharistie célébrée à chaque messe, par notre attention au sacré, au silence, au recueillement. « Il est là », disait Jean-Marie Vianney en pleurant devant le tabernacle. Si effectivement, comme notre foi l’affirme, « Il » est là, alors nous n’en ferons jamais trop pour lui.

2 - Le deuxième pilier de ma vie de prêtre, c’est la question de la conversion pastorale : comment passer d’une pastorale de l’entretien(de la réponse aux demandes, ce qui est déjà un vrai travail) à la pstorale de l’Evangélisation, celle qui sort des plannings et des écrans pour aller vers ceux qui sont plus ou moins loin, en « péripherie » comme dit le pape François. je vous préviens, je râlerai toujours contre l’entre-soi confiné, l’esprit de chapelle et les petits arrangements de sacristie si peu ouvert sur le monde en état d’urgence spirituelle. Je souhaite pour notre pastorale paroissisale de la largeur de vue, de l’ouverture de coeur, et de la réflexion sur nos pratiques hors des ornières des réflexes contractés. Parmi vous, je souhaite avancer dans ce sens, mais pas sans vous.

3 - Pas sans vous. Ce sera mon troisième pilier. Depuis mon étude des textes du concile Vatican II au séminaire et ma découverte de la communauté de l’Emmanuel il y a 15 ans, je suis émerveillé de la grâce que Dieu accorde lorsque tous les états de vie collaborent ensemble à la même mission. Le curé seul dans son bureau qui est au courant de tout..., organise tout, communique sur tout..., c’est mortel pour lui et c’est anesthésiant pour les laïcs. Je serai toujours prêt à tout donner pour vous, mais pas sans vous à mes côtés, dans une saine collaboration des états de vie - prêtres, consacrées et laïcs - dans la richesse de la complémentarité de ce que chacun est, porte et met au service de la mission.

En conclusion, j’ai envie de dire avec un peu de légèreté que la paroisse, c’est comme l’auberge espagnole : chacun y trouve ce qu’il y apporte. Si j’y apporte la critique, le commérage et l’amertume, je sera déçu par ma paroisse, à commencer par son curé (puisqu’il faut bien un coupable à tout ce qui ne va pas...) Si j’y apporte ma joie chrétienne, mon élan missionnaire de baptisé et mon humilité à servir, je trouverai ma place dans ma paroisse, non pas au-dessus ou en-dessous de mon curé, mais à ses côtés, comme un frère, une soeur, un condisciple du même Maître et Seigneur.

Et n’en doutons pas : de cette mise en commun de nos talents, de nos compétences et de nos charismes découlera l’abondance, abondance de grâces et de bénédictions. C’est assurément la volonté de Dieu pour notre secteur paroissial. Qu’il soit béni. Amen.

Père Yannick Ferraro.