Déterminés, nous avançons ensemble !

8 juillet 2022

Homélie du père Yannick Ferraro du dimanche 26 juin 2022, fête de fin d’année de notre Secteur

Évangile selon saint Luc (9, 51-62)
Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village.
En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. »
Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. »
Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »

Une fois de plus, frères et sœurs, il est magnifique de constater comment l’Évangile résonne dans notre vie non pas comme une belle histoire du passé, mais comme une parole vivante, une parole qui vient coller au réel de nos vies, ici et maintenant.

  • Dans ce passage de l’évangile de saint Luc, nous voyons Jésus qui, le visage déterminé, prend la route de Jérusalem. Certaines traductions disent même : il durcit son visage et prit la route de Jérusalem.
  • Elle est magnifique cette détermination de Jésus ! Nous y sentons toute l’ardeur de son Cœur enflammé d’amour et désireux de nous sauver tous ! Comme il l’exprimait à saint Marguerite-Marie à Paray-le-Monial en lui demandant une fête spéciale pour célébrer son Divin Cœur : Mon Cœur est si passionné et débordant d’amour pour les hommes, que ne pouvant plus contenir en lui-même le feu de son ardente charité, il faut qu’il les répande !
  • Oui, Jésus est impatient, son Cœur lui brûle, son Amour lui démange. Comme il l’exprimera à nouveau trois chapitres plus loin dans cet évangile de Luc (12,49) : Je suis venu apporter sur la terre un feu : comme je voudrais qu’il fût déjà allumé  !

Cette belle détermination de Jésus est très inspirante pour ce que nous vivons au sein de notre Secteur.

  • Vous vous en êtes aperçus (ou pas… car le bien ne fait pas de bruit), en cette année pastorale qui s’achève, nous avons résolument avancé, le visage déterminé à poursuivre la mission de Jésus-Christ dans nos villages, déterminés à aller à la rencontre de tous ceux qui, autour de nous, attendent de connaître le Christ. Non seulement ceux qui viennent à nous avec une demande particulière pour eux-mêmes ou leur enfant : catéchisme, aumônerie, baptêmes, mariages, obsèques, accompagnement, écoute, visites… Mais aussi ceux qui ne demandent rien et pour lesquels Jésus est aussi venu en ce monde : journée des associations, mission Toc-Toc, dimanches Venez et Voyez…
  • Et cette détermination sera encore la nôtre pour la prochaine année pastorale qui débutera en septembre. Avec Jésus, ensemble, nous durcissons notre visage pour poursuivre la mission de Jésus-Christ dans notre Secteur.

Et ce, en dépit des obstacles, des incompréhensions et des refus… à nouveau, comme Jésus dans cet évangile. Il envoie ses disciples pour préparer sa venue, et on refuse de les recevoir.

  • Pour les disciples, grosse colère : Seigneur, on va ordonner qu’un feu tombe du ciel et détruise ces païens ! Mais pour Jésus, grand calme : Ceux-là ne nous reçoivent pas ? Qu’à cela ne tienne, partons vers un autre village.
  • Le pasteur évangélique Rick Warren explique comment il s’est libéré de la peur de l’échec pastoral en adoptant cette règle toute simple. Je la dis d’abord dans sa langue anglaise : «  Love everyone, but move with the movers ». En bon français : « Aime tout le monde, mais avance avec ceux qui veulent avancer ».

Comprenons bien, frères et sœurs : ce n’est pas du mépris ou de l’indifférence pour ceux qui, pour l’heure, ne veulent pas avancer à la suite de Jésus-Christ. C’est de la liberté dans l’Esprit Saint.

  • Aime absolument tout le monde, et propose le Christ à temps et à contre-temps. Mais ne te laisse pas arrêter par des refus et des incompréhensions. La mission est suffisamment vaste, les attentes sont suffisamment nombreuses, pour se laisser paralyser par des résistances, en négligeant tous ceux qui, eux, veulent avancer. Donc, ne regarde pas trop tes pieds, garde ta détermination, continue de durcir ton visage et avance !
  • Cette liberté dans l’Esprit Saint, c’est exactement celle que propose Jésus dans la suite de ce récit. Après avoir décidé de continuer d’avancer, en dépit du refus des Samaritains de le recevoir, Jésus rencontre trois hommes. Au premier, il dit : Suis-moi si tu veux… Mais saches que tu n’auras pas d’endroit où reposer ta tête. Au deuxième il dit : Suis-moi si tu veux... Mais ne te préoccupes pas de tes proches, laisse les morts enterrer leurs morts. Au troisième il dit : Suis-moi si tu veux... Mais saches que tu ne pourras plus revenir en arrière, car celui qui met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le Royaume de Dieu.
  • Quelle exigence ! Mais une exigence qui obtient la vraie liberté dans l’Esprit Saint. La liberté d’entreprendre de grandes choses, de viser de nobles objectifs, d’oser la merveilleuse aventure de la vie selon l’Évangile.
  • En dépit du refus de certains, Jésus ne regarde pas ses pieds, il ne compte pas ses plaies. Il n’enrobe pas son appel pour le rendre attrayant. Il n’adapte pas son message pour le rendre plus digeste. Il reste libre d’être ce qu’il est, et de faire ce pour quoi le Père l’a envoyé. Le visage déterminé, il avance.

Quelle magnifique leçon nous recevons aujourd’hui de notre Seigneur Jésus, frères et sœurs ! Avancer avec Lui et comme Lui, dans la réalisation du Royaume de Dieu, en restant libres. Oui, mais pas n’importe comment

  • Avancer avec détermination dans la liberté de l’Esprit Saint, ce n’est pas partir dans tous les sens, se disperser, et finalement s’épuiser et se décourager.
  • Avancer avec détermination dans la liberté de l’Esprit Saint en vue de la réalisation du Royaume de Dieu c’est savoir ce que l’on va faire, et comment on va le faire. C’est avoir un objectif, et connaître les étapes qui conduiront à cet objectif. C’est avoir ce qu’on peut appeler « une vision ».
  • Jésus a une vision. Il sait ce qu’il a déjà fait. Il sait ce qui lui reste à faire. Il sait quel est l’objectif final de sa mission. Et du coup, il sait par quelles étapes il faut encore passer. Vous l’avez noté, pour monter à Jérusalem, il envoie ses disciples devant lui pour préparer sa venue.
  • Il doit en aller de même pour notre pastorale paroissiale : elle doit avoir une direction, et un plan qui oriente vers cette direction, notre pastorale paroissiale doit avoir une « vision ».
  • Et cette vision, elle n’est pas à inventer, elle est à reprendre de ce que Jésus lui-même nous a demandé de faire. Le jour de son Ascension (Mt 28,19), au moment de retourner vers son Père, Jésus donne à ses amis une consigne claire : faites des disciples. Il complète en disant que, pour cela, ils doivent : aller de toutes les nations, baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et enseigner les gens à observer tout ce qu’il a prescrit. Mais la seule finalité, le seul objectif, la seule vision que Jésus laisse à ses amis, c’est de faire des disciples.

Notre pastorale paroissiale doit aller jusque-là. 

  • Et faire des disciples, ce n’est pas seulement faire en sorte que les gens soient touchés, émus ou attendris par le Christ…
  • Faire des disciples, c’est permettre aux gens d’être saisis par le Christ, et de se laisser saisir par Lui. Et ça, c’est un peu plus profond, et ça va un peu plus loin que d’offrir un beau baptême, un beau mariage ou une belle messe de funérailles…
  • Avoir une vision pastorale, ce n’est pas mener une révolution. Notre vieille Église a déjà une sagesse et une expérience acquise au fil des siècles… Et notre Secteur paroissial recèle déjà de nombreuses belles réalités pastorales qui font avancer le Royaume de Dieu.
  • Mais il s’agit de mieux proposer ce que nous savons faire, en le proposant dans le bon ordre, pour que les gens que nous rencontrons et vers qui nous allons aient une marche à franchir qui soit à leur portée. On peut toujours leur dire : venez à la messe ! Ou bien : venez à l’adoration, ou au chapelet ! Mais s’ils ne savent même pas ce qu’est la messe, l’adoration ou le chapelet, nous donnons des coups de bâtons dans l’eau. Nous proposons une Formule 1 à des gens qui n’ont pas le permis de conduire… Non seulement ce n’est pas efficace, mais ce n’est pas respectueux du chemin de chacun.

Alors, que faire ? Que proposer ? Quelle vision déployer avec détermination et dans la liberté de l’Esprit Saint ?

  • Nous vous en parlerons dès le mois de septembre prochain. « Nous », ce sont les membres du Conseil Pastoral et de l’équipe « Vision » qui travaillent déjà depuis plusieurs mois, nourris de ce que nous avons reçu au Congrès-Mission à Marseille en octobre dernier, et à la formation « Pasteurs selon mon Cœur » que nous avons vécue à Paris au mois d’avril, et nourris de tout ce que nous avons déjà discerné ensemble.
  • A la rentrée pastorale prochaine, nous prendrons le temps de vous présenter le fruit de notre réflexion et de notre prière. Et de tout mon cœur de pasteur, j’espère que vous accepterez de prendre du temps pour découvrir cette vision, vous l’approprier et la vivre avec nous. Car c’est tous ensemble que nous répondons à l’appel du Christ de faire des disciples.
  • Ensemble, ça veut dire : dans la communion de nos états de vies, de nos âges et de nos conditions ! Parce que le curé qui réfléchit seul de son côté, anticipe tout, décide tout, et porte tout… c’est fini. Ça ne fonctionne pas, ça use prématurément les prêtres et ça stérilise les vocations sacerdotales, car aucun jeune ne peut se sentir appelé à tout lâcher pour donner des coups de bâton dans l’eau tout seul… 
  • Ensemble, ça veut dire aussi : dans l’unité de nos villages ! Le clocher qui veut sa messe, sa régularité, ses familles, son prêtre… c’est fini. Ça ne fonctionne plus, et ça stérilise l’élan missionnaire d’un Secteur paroissial. Et les gens qui nous rejoignent nous le disent : ils ne comprennent pas cet « esprit de clocher ».
  • Notre priorité doit être notre unité ! Le manque d’unité entre nous, voilà le seul obstacle à la toute-puissance de Dieu. Quand chacun tire la couverture à soi, Dieu ne peut pas faire de cette couverture un instrument du salut pour tous ceux qui nous rejoignent et qui attendent eux aussi la manifestation de Dieu dans leur vie. Nos conflits, nos médisances, nos crispations sur nos « avoirs » ou sur nos « dus », empêchent l’Esprit Saint d’agir.

Vous voyez, frères et sœurs, je vous dis les choses sans détour, sans formule passe-partout, sans faux-consensualisme.

  • Jésus n’a pas enrobé son appel pour le rendre plus attrayant. Il n’a pas adapté son message pour le rendre plus digeste. Il est resté libre d’être ce qu’il est, et de faire ce pour quoi le Père l’a envoyé. Le visage déterminé, il a avancé avec ceux qui voulaient bien avancer avec Lui.
  • A sa suite, c’est la seule chose que nous ayons à faire. En dépit des obstacles, des incompréhensions et des refus… En dépit du fait que la foi décline tout autour de nous et jusque dans nos familles. En dépit de tout ce qui a déjà été fait et qui n’a pas marché. Le visage déterminé, nous avançons dans la réalisation du Royaume de Dieu, dans la liberté de l’Esprit Saint. Et nous le faisons ensemble, dans l’unité de nos cœurs et de nos villages. AMEN.